Oui, faut-il vraiment coller Alexander SHIBAEV dans une cellule à -20°C . Au fin fond de la Sibérie, torse nu et sans slip ?
Cette question te surprend.
Pour deux raisons. Plus une.
- Primo, tu ignores complètement qui est Alexander SHIBAEV.
- Deusio, tu n’es pas un adepte des pratiques sado-masochistes (et c’est bien dommage, car sinon on pourrait choper ton 06).
- Troisio (ce mot n’existe pas, et pourtant bizarrement tout le monde le comprend), tu ne saisis pas ce brutal accès de violence contre ce ressortissant russe.
Alors qu’à donc bien pu faire ce SHIBAEV pour mériter ce châtiment...
En fait, il a juste battu notre chouchou, le français Simon GAUZY, en demi-finale du top 16 de tennis de table, à Antibes, le dimanche 5 février.
Avec à la fin du match, un petit check fugace du bout des doigts entre les deux joueurs. Puis un échange de mots d’oiseaux. Et un frottage langoureux de tétons entre les deux champions.
A lire le compte-rendu comme cela, tu as l’impression qu’on te résume le dernier chef d’œuvre de Marc DORCEL, du samedi soir, sur Canal plus.
Mais regarde plutôt le replay : https://www.youtube.com/watch?v=4UATX_kEV6g
Oui, tu as vu. Ça, c’est quand il y a bagarre au tennis de table.
Et ouhhhh !!!!!!!!!!...., ça file un peu les chocottes quand même.
Alors cet épisode mérite-t-il la demande d’exclusion d’Alexander de toute compétition internationale. Revendiquée par les spécialistes pongistiques français des forums et des réseaux sociaux? Qui réclament sa tête au bout d’une pique, et un châtiment exemplaire. Afin qu’il aille désormais faire le 2/2 sur une table, mais cette fois de torture, à côté d’Irkoutsk.
Autant te dire que les spécialistes de la Hérain est mon Royaume s’y opposent. Et très vigoureusement.
Et pas uniquement parce qu’on a de vieux trotskystes-léninistes, mal rasés et mal peignés, à la salle. Ni parce qu’à une époque lointaine, on a dû apprendre par cœur, et comme des cons, pour le bac, la production de blé de l’URSS, en 1954 (32 millions de tonnes, oui monsieur !).
Non on défend Alexander parce qu’il a déjà été élu joueur de l’année 2014 en Hérainie. Pour avoir tenté d’aider le régisseur à replacer la table au centre de l’aire de jeu, un soir de coupe d’Europe, à Hennebont. Un fort beau geste.
Mais malheureusement mal interprété par l’arbitre de la rencontre. On t’explique : les mains humides de sudation, la prise d’Alexander ripe. Le plateau se soulève et effectue un mouvement translatif du haut vers le bas. Et la table se brise accidentellement.
Non, elle n’était pas faite d’acier russe. Sanction : un carton rouge. Bien sévère, pour un geste, à la base, on ne peut plus solidaire et généreux d’Alexander.
Juge par toi-même : https://www.youtube.com/watch?v=Ak9laAjrjDI&feature=youtu.be
Tu noteras d’ailleurs qu’en voulant aider, sa raquette tombe malencontreusement par terre, et aurait également pu se briser.
Un SHIBAEV durement sanctionné ce soir là. Et pourtant Alexander n’est qu’amour.
C’est tout à son honneur. Car il a connu une enfance très difficile. Cadet d’une famille de 13 enfants. Il est enlevé à sa famille par des membres de la mafia russe. Et est élevé dans la steppe, parmi les loups, et les ours blancs, à côté de Vladivostok (on ne sait pas où c’est, mais ça sonne bien). Son aptitude à échapper aux bêtes féroces, ainsi qu’à chasser les mouches autour de son maigre repas tous les matins, tape dans l’œil d’Igor KROUCHENKO. Ex joueur du Zénith Léningrad ping-pong, et qui aura découvert le tennis de table en même temps que la vodka. Il sera son mentor. Et son coach personnel.
Après plusieurs stages dans la banlieue de Tchernobyl, le service d’Alexander commence à faire des étincelles. Il irradie de talent. Et intègre l’équipe nationale. La collaboration avec Igor sera récompensée par un titre de champion d’Europe cadet en double mixte en 2005 à Gdansk avec Ekaterina Kolodyazhnaya.
Mais Alexander repart au charbon. Et pas seulement au propre (le charbon ça tâche), ni au figuré, car en effet, il part s’entraîner au fond des mines de Kouzbass. Il échappe à la silicose et aux coups de grisou, et toujours pugnace et teigneux, finit par entrer dans le top 100 mondial en 2011. Il décroche la médaille d’argent en double garçons aux championnats d’Europe sénior de 2011 toujours à Gdansk avec K SHACHKOV, puis la médaille de bronze en 2015 à Ekaterinburg.
Alexander a le cuir dur. Alexander est un rageux à la table. Mais sitôt sa raquette rangée dans son sac, à côté de ses tee-shirts délicatement pliés et parfumés à la lavande, à côté de la peau de ses dernières victimes, il se met le casque sur les oreilles. Et écoute du Katie MELUA et du Agnès OBEL. Oui, de la musique de fragile. Et, sur sa tablette, il regarde des films avec Meg RYAN. Il aide les vieilles dames à traverser la rue, sur les passages piétons. Et va rechercher ces cons de chatons, égarés et apeurés, au sommet des arbres dans ton jardin.
Alors donc, pourquoi en vouloir à ce point à Alexander ? Pour sa toute petite altercation avec monsieur GAUZY ???
Oui les deux joueurs ont un léger passif. Depuis les championnats d’Europe 2016. Durant lesquels Simon avait bien chialé après les services d’Alexander. Oui, c’est vrai, SHIBAEV sert parfois un peu caché. Légèrement, dans le dos. Mais toutes les vicissitudes et les carences nutritionnelles de son enfance, dans les steppes Ouzbek, ont généré un début d’ostéomalacie (merci pour le diagnostic, le Larousse médical http://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/ost%C3%A9omalacie/15034). Avec à la clé une déformation vertébrale à type de scoliose. Quand Alexander jette la balle à la verticale, elle lui atterrit désormais, par cette malformation, spontanément, entre la 10ème et la 12ème vertèbre dorsale. Et c’est finalement tout à son honneur, et très courageux de sa part, de vouloir absolument continuer à compétiter dans la catégorie valide. Et non dans les séries handi. Mais malheureusement, les arbitres ne sont pas toujours du même avis. Et lors de ces championnats d’Europe, ils l’avaient lourdement sanctionné. Avec une fin de match pimentée par quelques petits « tcho !!! » sur balles grattées simonesques. Et donc, après la défaite d’Alexander, un serrage de main plus que fugace entre les deux champions. C’et vrai, un peu plus proche du bras d’honneur que de la poignée fraternelle.
Début février 2017, on reprenait donc les mêmes en demi-finale du top 16 européen, et on recommençait. Et rebelote. Avec cette fois, dix de der, et tentative d’arnaque du jeune français sur un point, à la fin du 5ème set. La même, à l’envers. Mais là c’est le jeune occitan qui, en fin de set, avait provoqué notre Alexander.
Okay, on ne va pas se mentir. Alexander, c’est le sptetsnaz du ping-pong. Quand tu le cherches, tu le trouves.
Et ça s’est donc réglé sur ce Top 16, comme dans une cour de récré. Sauf que d’habitude, au CP, il n’y a pas de caméra plantée sur le marronnier de l’école communale.
Alors faut-il s’offusquer du manque de fair-play de ces deux athlètes ?
François FILLON te dirait que non. Car rien n’est illégal. Mais qu’effectivement, peut-être, sur le plan de l’éthique et de la morale, il pourrait y avoir discussion. Eventuellement.
Mais tout le monde ne peut pas s’appeler Roger FEDERER. Et au ping-pong les panoplies du chevalier blanc ont déjà été piquées par Timo BOLL et Vladimir SAMSONOV.
Quand tu planes sur ta discipline comme l’aigle royal, tu peux la jouer grand Seigneur. Mais quand tu es moins doué, il faut user, et utiliser, d’autres arguments. Notamment le mental, ta hargne. Et parfois la provoc.
Au très haut niveau, le ping-pong n’est plus une discipline de danseuse. Il faut être coriace, tenace, pugnace... Bref, tous les mots se terminant en « ace »... Sauf bonnasse.
Il vaut donc mieux être un chien de la casse, que Ken, le compagnon eunuque de Barbie.
Alors, de temps en temps ça déborde. Mais après tout tant pis. Ou plutôt tant mieux. Ça met un peu d’animation. Un peu de vie... Sinon ça devient d’une platitude. D’un ennui…Ça joue certes très bien. Mais tu as l’impression de regarder un match se déroulant dans la bibliothèque du collège Edmond Rostand de Gennevilliers.
Et puis les pétages de cables ça te fait des trucs à raconter. Et désormais pas mal de buzz sur les réseaux sociaux.
Bref, cessons cet anti-Shibaev, cet anti-communisme primaire.
Car tu nous secoues la discipline Alexander. Tu réanimes notre sport, et tu fais rebattre notre petit cœur.
Du ping-pong médiéval, à l’ancienne. A l’intox. Et à la hache.
Et c’est pour ça que nous, en Hérain, on t’adore.
Et qu’on s’avale une gorgée de vodka à ta santé.
Za vache zdorovie Alexander !